Le corps du GFX100 II est le fruit d’une grande quête d’équilibre. Compact au regard des boîtiers de cette catégorie sortis cette dernière décennie, il reste assez volumineux pour intégrer le mécanisme de stabilisation mécanique du capteur. Son gabarit lui permet aussi de supporter aisément les optiques GF, logiquement bien plus encombrantes que les 24x26 mm. Attention à bien garder à l’esprit qu’un objectif tel que notre 55 mm f/1,7 de test (équivalent 44 mm) pousse l’ensemble à presque 2 kg.
Avec 9,44 millions de points et un grossissement x1,0, le viseur du GFX100 II est un régal pour les yeux. Sa définition QXGA de 2048 x 1536 pixels — à multiplier par trois (pour les sous-pixels colorés) afin d’obtenir les 9,44 millions de points — est telle qu’on ne distingue plus aucun pixel.
En cela, il est équivalent aux A7S Mark III et A1, mais avec un coefficient de grossissement supérieur, car son gabarit laisse plus de marge aux ingénieurs pour intégrer une optique de visée de plus grande taille.
À l’usage, ce viseur très haut de gamme est, après la qualité d’image et les progrès de l’autofocus, son troisième grand atout. C’est lui qui procure une partie du plaisir d’utilisation de cet appareil hors norme, et le fait de voir avec autant de clarté les sujets, de pouvoir juger avec autant de précision du niveau de détail, même en plein soleil, est un vrai plus.
Notez au passage que le GFX100 II est un mélange de GFX100 premier du nom et de GFX100S. En cela, il combine la compacité du second avec la modularité du premier. En cas de besoin, le viseur intégré peut être effectivement retiré pour installer l'EVF-TL1, plus adapté à une visée au niveau du ventre.
Capable d'enregistrer jusqu’à 8 i/s, le GFX100 II voit cette cadence réduite en obturateur électronique. Outre d’éventuels besoins photographiques privilégiant l’obturateur électronique plutôt que le mécanique, la présence de ce mode “dégradé” s’explique par une compétence supplémentaire : une visée électronique sans passage au noir (zero-blackout). Introduite par le premier Sony Alpha A9 — mais à des cadences bien supérieures —, l’absence de passage au noir peut s’avérer décisive dans la précision du suivi de sujets rapides. Cette option pourra aider le photographe qui doit suivre des sujets en mouvement près de lui.
L’évaluation ergonomique a ceci de délicat qu’elle est parfois subjective, que ce soit en matière de positionnement des équipements, boutons et autres, ou dans leurs nature, qualité et ressenti. Dans ce domaine, le joystick du GFX100 II est un élément qui nous a agacés. Son toucher est tout à la fois peu agréable et sa très grande sensibilité, couplée à sa course ultra-courte, rend les sélections de mode peu efficaces et agréables. Plus d’une fois, on rate la validation ou l’entrée dans un menu, ce qui n’arrive pas avec des joysticks mieux conçus.
Si les ingénieurs ont trébuché sur le joystick, ils ont bien profité du gros volume disponible pour intégrer un écran à cristaux liquides sur le dessus de l’appareil. Cet écran actif, même boîtier éteint, permet de savoir à tout moment quels sont les réglages actuels du boîtier.
Sur le dessus, on profite de trois boutons. Préréglés par défaut, ils peuvent être paramétrés par l’utilisateur (ISO, exposition, etc).
Partis de capteurs à l’AF inexistant, ou neurasthéniques qui prenaient une image toutes les deux secondes au mieux, les dos numériques, puis les appareils moyen format numérique ont fait un bond de vitesse d’opération quand Fujifilm s'est lancé dans le marché en 2016. Comme nous l’avons mesuré, le GFX100 II est opérationnel en une seconde et demie après l’allumage et dispose du meilleur système AF (acquisition et suivi, lire plus loin) de toute l’histoire des boîtiers moyen format.
En matière de rafale, les promesses de la fiche technique sont tenues. On a bien droit à 8 i/s en obturateur mécanique et 5,3 i/s en obturateur électronique. Quant à la profondeur de rafale, une carte mémoire CFExpress Type B de bonne qualité (pour nous, un modèle 128 Go à 1500 Mo/s en écriture et 1700 Mo/s en lecture) permet de digérer 60 images raw+jpeg, soit 7,5 s de rafale avec la détection des sujets (même des yeux) activée sur un capteur géant de 102 Mpx.
Pour les sujets mobiles, le GFX100 II dispose de l’intelligence de son processeur d’image, le X-Processor 5. Cette puce est capable de distinguer un oiseau d’un humain, un train d’une voiture.
Mais comme tous les appareils photo, le GFX100 II est idiot : si vous n’avez pas correctement réglé votre appareil sur des vitesses ad hoc pour les sujets vraiment rapides, les clichés seront flous, même avec le point acquis.
Fujifilm ne reproduit logiquement pas l’agressivité de boîtiers de type Sony Alpha A9 ou OM System OM-1, il n’empêche que son punch lui permet de ne pas avoir peur de l’action, qu’il s’agisse d’un shooting de pub “sportive”, de plateau de cinéma, voire de reportage. Les performances d’acquisition et de suivi des sujets, ainsi que la rafale enfin suffisante, ont de quoi faire rêver quelques photoreporters. On ne peut que souhaiter que Fujifilm intègre cette électronique dans une version “R” à viseur décalé sur le côté (façon télémétrique), plus compact et moins cher que les versions non “R”.
Par rapport à ses prédécesseurs, le GFX100 II pulvérise tout bonnement la concurrence. Profitant du savoir-faire et des volumes de production de ces puces X-Processor issus de ses boîtiers APS-C, Fujifilm dispose d’une avance énorme face à Hasselblad, le seul à se tenir debout dans ce marché du moyen format que Fujifilm a phagocyté. Entre les capacités de calcul de sa puce, la puissance et la finesse de ses algorithmes d’acquisition et de suivi, ou encore celles à travailler directement avec Sony dans le peaufinage du capteur, Fujifilm semble irrattrapable.
Le capteur du GFX100 II n’est pas un tout nouveau capteur, mais l’évolution de la génération précédente. Une évolution qui consiste en une optimisation des microlentilles, mais aussi et surtout, un travail électronique pour améliorer le rapport signal/bruit et accélérer la vitesse de lecture afin de proposer un AF plus rapide et des rafales plus importantes. Pour l’heure, l’entreprise reste donc à la définition de 102 Mpx pour ses boîtiers les plus définis comme ce GFX100 II (50 Mpx pour le GFX50s II et le GFX 50R).
La qualité électronique de ce capteur serait peu de chose sans les optiques et le processeur d’image. Mais aussi surtout, sans une pièce mécanique qui le rend utilisable en tout lieu et tout temps : la stabilisation. Un mécanisme qui a permis à Fujifilm de faire sortir ces capteurs géants, jadis essentiellement cantonnés aux studios. Et qui profite à ce GFX100 II que l’on peut dégainer et utiliser même sur un speedboat lancé à 50 nœuds un jour de bruine.
L’essentiel du travail des ingénieurs de Fujifilm autour du capteur 102 Mpx de Sony a été dévolu à la vitesse de lecture. On note des évolutions dans l'imagerie — abaissement de la sensibilité minimale de 100 à 80 ISO —, mais les gains de qualité sont marginaux par rapport à la génération précédente. Cela signifie tout de même que les clichés qui sortent de ce boîtier sont les plus beaux de tout le marché !
Testé principalement avec la toute nouvelle focale fixe GF 55mm f/1.7 (équivalent 44 mm), ce capteur grand format octroie la meilleure qualité d’image qu’on puisse attendre entre 80 et 6400 ISO. En matière de sensibilité, Fujifilm profite de la grande taille des photosites pour ne pas trop souffrir de leur densité.
Cette plus grande taille des photodiodes et de leur puits de lumière offre aussi à ce capteur une plus grande plage dynamique. Selon nos mesures dans le labo, on peut clairement récupérer jusqu’à 4 stops (ou EV) dans les basses lumières, sans perte.
En matière de surexposition, la plage est moins large. Comptez jusqu’à 1,6 stop (vitesse) sans bruit et 2 stops avec un bruit acceptable. Sur le terrain, et comme on le voit sur les images ci-dessous avec des blancs volontairement brûlés, on arrive tout de même à récupérer des infos sans trop de bruit jusqu’à 2 stops.
Si on ajoute à cela la qualité des simulations de film, les modes multishots ou encore la possibilité de capture dans des ratios différents sans trop perdre en définition, on a dans les mains un bijou de la qualité d’image. Il ne cède le pas que dans des usages très spécifiques : la photo de sport nécessitant de très puissantes rafales et/ou des super-téléobjectifs, voire la photo en très basse lumière.
Sur le front de la captation vidéo, Fujifilm est passé en quelques années du rang de challenger retardataire à celui de marque sur laquelle on peut compter. Une partie de l’ADN vidéo est issue des optiques ciné/télé Fujinon qui équipent l'univers broadcast depuis des décennies, mais la marque a aussi connu un bond quantique en matière de capteur et traitement du signal.
Avec ce GFX100 II, Fujifilm affiche de grosses ambitions. Son capteur est ainsi suffisamment grand pour monter la série d’optiques haut de gamme Premista. Ces trois zooms se placent qualitativement très haut (le 28-100mm t/2.9 s’affiche à 45 000 € !) en matière de vidéo, juste en deçà de ses zooms cinéma les plus onéreux (pour la gamme HK Premier, comptez 100 000 € par optique…).
Le cercle image plus large du standard Premista permet au GFX100 II de faire parler une fois encore son grand capteur pour des aspects vidéo différents du 24x36 et de l’APS-C/Super35. Vous l’aurez compris, les optiques GFX permettent déjà de shooter et profiter du plus grand cercle image possible, mais c’est avec des optiques de haut vol que le boîtier donnera la pleine étendue de ses compétences.
Pour les appareils photo comme pour les caméras dédiées, tester les fonctions vidéo est un travail de titan. Si les promesses de qualité de Fujifilm sont tenues d'après nos tests de base, il faut cependant être humble au regard de la complexité des usages vidéo.
De plus, outre les objectifs et accessoires (mate box, follow focus sur les optiques manuelles, etc.), rappelons que même la meilleure carte SD ne permettra pas de profiter de toutes les fonctions très avancées. La carte CFExpress est obligatoire, tout comme le ventilateur optionnel FAN-001 pour les longues sessions de shoot. Pour les productions les plus exigeantes, il faudra passer par la prise HDMI et connecter un SSD externe afin de récupérer le signal en raw.